IA générative et formations universitaires : innovation, régulation et agentivité
Les entretiens Jacques Cartier sont une manifestation organisée depuis en commun depuis 1987 entre la région Auvergne-Rhone-Alpe (AURA) et le Québec. Leur finalité est de « rassembler les écosystèmes francophones scientifique, académique, culturel, économique et politique d’Auvergne-Rhône-Alpes (France) et du Québec ». Le thème général de 2025 était : « Résiliences et transformations : nouvelles dynamiques pour un monde en mutation ».
Au sein de ces entretiens, une journée a été organisée à Clermont Ferrand le 8 octobre 2025 à l’initiative de Béatrice Drot Delange (GIS2if), Christelle Robert-Mazaye et Thérèse Laferrière (réseau Periscope) sur le thème : « IA générative et formations universitaires : innovation, régulation et agentivité ». Cette journée a fait suite à une réunion analogue ayant eu lieu en 2024 au Québec sur le rôle de l’IA générative dans l’apprentissage. Permettant un exposé des travaux du groupe 2ifper depuis un an, elle a réuni une centaine de personnes et a permis de discuter un certain nombre de questions vives de recherche.
Les lignes qui suivent en présentent une synthèse rapide, qui reprend des éléments du compte rendu de la journée élaboré pour les organisateurs des entretiens Jacques Cartier.
Les enjeux majeurs soulevés par l’intégration de l’intelligence artificielle générative (IAg) dans les formations universitaires et la recherche touchent à l’équité, à l’intégrité académique, au rapport au savoir et à la pédagogie, à la régulation institutionnelle et enfin à la recherche en éducation et formation. Plus globalement, c’est la réussite scolaire et éducative qui est questionnée.
Enjeux
Les recherches présentées suggèrent que l’utilisation efficace de l’IAg bénéficie principalement aux étudiants qui possèdent déjà un rapport réfléchi au savoir, ce qui peut accentuer les inégalités sociales. Les nouvelles forme de plagiat et de bluff académique menacent la profession enseignante et créent une insécurité quant à l’évaluation. Pour les élèves existe le risque d’asservissement et de renoncement à l’apprentissage.
L’enjeu est de développer l’agentivité épistémique et le travail en commun face aux défis rencontré. Les régulations mises en œuvre par les institutions éducatives (sous forme de chartes ou de cadres d’usage) sont souvent en retard face à la dynamique d’innovation technologique et il existe une tension entre la responsabilisation des usagers et un cadrage institutionnel autoritaire.
La recherche sur les utilisations de l’IAg en éducation est confrontée à une saturation de publications scientifiques d’une portée limitée (recherches one shot, catégorisations simplistes, écrasement des contextes). D’un autre côté, les participants notent que les processus de sélection et de publication des revues sont longs comparé au rythme très rapide des mutations de l’IAg. Il importe donc de créer des forums de synthèse permettant de partager rapidement des résultats consolidés mais non encore publiés.
Quelles formes de résilience ?
La résilience peut être considérée comme la capacité à s’adapter de façon critique et constructive à une situation problématique sans perdre ses valeurs fondatrices. On a mis en évidence deux visions de la résilience : l’une est positive et proactive (souvent liée à l’agentivité épistémique) et l’autre est défensive (liée à la dépendance cognitive).
Par exemple, surmonter un blocage grâce à l’IAg est un acte de résilience. Utiliser l’IAG pour générer un « premier jet » de texte et vaincre le syndrome de la page blanche est un comportement proactif. Dans une approche défensive, c’est une notion de « résilience passive » qui émerge, par exemple lorsque l’IAg est utilisée comme un substitut direct de source d’information ou comme un raccourci pour se débarrasser des devoirs. Dans ce cas, l’utilisateur s’efface ou subit l’IAg.
Les interventions ont mis en évidence comment les acteurs du monde universitaire (Enseignants, étudiants, chercheurs et institutions) peuvent réinventer leurs pratiques pour faire face à cette innovation technologique majeure. Plus précisément, les échanges ont insisté sur la manière dont était opérée une reconfiguration du temps, des tâches et des responsabilités.
Quelles pistes d’action ?
Les échanges ont fait émerger plusieurs pistes d’action concrètes et des projets visant à composer avec l’intégration rapide de l’IAg dans l’éducation Par exemple les participants ont évoqué la nécessité d’une IA « guidante » et non « répondante », qui soit un « auxiliaire pour la pensée et pour l’action », comme on disait au moment du déferlement de la micro informatique dans les années 1980.
Des participants ont souligné la nécessité de mettre en place des cours d’acculturation à l’IAg afin de mieux comprendre son fonctionnement, ses limites et ses biais (pour démystifier la dimension magique associée à cette technologie), mais aussi sensibiliser les utilisateurs aux impacts environnementaux et sociaux du numérique éducatif.
Finalement, une innovation responsable permettant d’intégrer les outils technologiques dans une logique d’ouverture, de collaboration et d’éthique passe sans doute par la co-construction de solutions entre enseignants, étudiants, chercheurs et concepteurs d’outils.
Une piste qui semble prometteuse est le développement d’une recherche itérative en partenariat avec des groupes locaux. Cette décentralisation permet en effet une plus grande agentivité locale et permet d’adopter des régulations partagées fondées sur les valeurs communes d’intégrité, d’ouverture et de transparence. En somme, face à la mutation technologique imposée par l’IAG, la coopération intersectorielle et l’engagement citoyen sont les nouvelles dynamiques nécessaires pour construire des cadres flexibles, des recherches pertinentes et des pratiques pédagogiques ancrées dans la réalité des acteurs et des contextes.
Quelques publications récentes liées aux travaux du groupe 2ifper
- Allaire, S. (2025). Six affordances de l’intelligence artificielle générative en soutien à la coélaboration de connaissances. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 22(1), article 2. https://doi.org/10.18162/ritpu-2025-v22n1-02
- Bernard, M-C, Pomerleau, C, Laferrière, T., dirs (2025). Rapports aux savoirs et système éducatif québécois : des tensions surmontables ? Livre blanc, https://periscope-r.quebec/cms/1738931284072-rapports-aux-savoirs_agent-es_systeme_quebecois_livre_…
- PERISCOPE (2025). le point sur l’interprétation des résultats de recherche pour la persévérance et la réussite scolaires. https://lel.crires.ulaval.ca/oeuvre/colloque-periscope-2025-r-seau-p-riscope-le-point-sur-l-interpr-tation-des-r-sultats-de-recherche-pour-la-pers-v-rance-et-la-r-ussite-scolaires
- Zablot, S., Boulc’h, L., Pironom, J., Sardier, A., Drot-Delange, B. (2025). Robots conversationnels : enquête sur les usages et représentations d’étudiants et étudiantes en sciences de l’éducation et de la formation en France. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 22 (1 [ART. 15]), 20 p. https://lel.crires.ulaval.ca/oeuvre/colloque-periscope-2025-r-seau-p-riscope-le-point-sur-l-interpr-tation-des-r-sultats-de-recherche-pour-la-pers-v-rance-et-la-r-ussite-scolaires