Aller au contenu

Compte rendu de la table ronde « littératie numérique » (Journée doctorale du 20 mars 2018)

Lors de la journée doctorale du 20 mars 2018 (voir le programme) organisée à Lille en partenariat avec le CIREL, la table ronde « Littératie numérique », animée par Aude Seurrat, MCF au LabSIC, Université Paris 13, a permis d’entendre et de discuter les présentations de Zoé Maltet (Université de Lille, GERiiCO) et de David Guigui (Université de Lille, CIREL-Théodile).

Compte rendu (A. Seurrat)

Le concept de « littératie » s’inscrit dans des acceptions et des usages très divers et peut, notamment, être appréhendé dans une perspective instrumentale, comme en témoigne cette définition de l’OCDE : « la litteracie est l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ».

Cette perspective n’implique pas les questions de distance critique ni de réflexivité sur les pratiques numériques. Si l’on se réfère aux travaux de Jack Goody, la littératie implique des dimensions sociales, culturelles et cognitives et s’inscrit dans une perspective anthropologique. L’articulation des dimensions sociales, économiques et culturelles nous invite notamment à appréhender les relations entre littératie numérique et inclusion sociale. Les deux communications de cette table ronde questionnent justement les relations entre littératie numérique et insertion professionnelle. D’une part (l’intervention de Zoé Maltet) par rapport à la question des distinctions de genre et d’autre part (l’intervention de David Guigui) sur les usages et représentations de personnes peu qualifiées suivant des formations professionnelles de niveau 5 (correspondant à l’obtention d’un niveau CAP et BEP). Ces deux interventions permettent de questionner les relations entre littératie numérique, formation professionnelle et professionnalisation.

Zoé Maltet, doctorante au GERiiCO, a présenté son travail de thèse qui porte sur « la culture numérique au prisme du genre ». Son travail (qui s’inscrit dans le cadre du programme INSERNUM) part du constat que les femmes restent minoritaires dans le secteur numérique et se penche sur les femmes qui ont choisi de d’orienter vers ce secteur. Pour cela, elle mène une enquête ethnographique couplée à une enquête qualitative auprès d’étudiants en DUT informatique et métiers du multimédia. Les éléments qui ressortent à cette étape de l’enquête sont divers : les DUT MMI attirent plus de femmes (30 à 40%) que les DUT informatique (9%). Pour Zoé Maltet ceci peut s’expliquer par le fait que les DUT MMI mettent plus l’accent sur la créativité et moins sur la programmation. Un deuxième aspect qui ressort de son enquête porte sur le fait que les femmes qui sont dans ces formations doutent plus de leurs compétences que les hommes. Ceci est notamment lié, pour Zoé Maltet, aux représentations sociales qui circulent dans les sphères médiatiques et domestiques. Enfin, les étudiantes interrogées présentent néanmoins des avantages à être minoritaires au sein de ces formations (être plus visibles et être fières d’être des « exceptions ».)

La discussion autour de la présentation de Zoé Maltet a porté sur plusieurs aspects :

–        Méthodologiques : Quelle méthode pour analyser les entretiens ? Comment croiser l’analyse des données socio-économiques (notamment les enquêtes de la DARES ou du Céreq) sur les femmes dans ce secteur d’activité et l’analyse des représentations sociales qui ressortent de l’enquête qualitative ?

–        Épistémologiques : Quels fondements théoriques pour cette recherche ? En quoi la question de la performativité du genre (et de l’auto-stéréotypie) peut-elle être porteuse pour cette recherche ?

–        Sur les premiers résultats : Quelle est la place spécifique du PPP (projet professionnel personnel) dans l’observation des relations aux métiers ?

L’intervention de David Guigui, doctorant en 1ère année de thèse au CIREL portait sur les cadres théoriques et méthodologiques d’une recherche qu’il débute sur « la littératie numérique d’adultes en formation ». Le travail de recherche de David Guigui se portera sur des adultes en formation professionnelle de niveau 5 qui sont souvent des personnes en reconversion et au chômage qui peuvent avoir des « freins périphériques » par rapport à la formation. Sa recherche vise à questionner les liens, les complémentarités, voire les ruptures entre usages domestiques du numérique et usages en formation. David Guigui s’appuie pour cela sur les travaux de Barton et Hamilton sur les « new litteracy studies » qui partent de l’idée qu’il existe différentes littératies numériques associées à différentes sphères de la vie. D’un point de vue méthodologique, il envisage de mener une étude longitudinale auprès de trente à quarante stagiaires de l’AFPA et d’observer les usages en formation de différents outils numériques (ordinateur, tablette, smartphone), de questionner les représentations de ces supports et enfin d’analyser les différentes formes d’interaction.

La discussion autour de la présentation de David Guigui a porté sur plusieurs aspects :

–        Sur la qualification des objets et usages observés : Ne faudrait-il pas distinguer l’usage des supports (ordinateurs, tablettes, smartphones) et celui des logiciels ? Les distinctions entre espace domestique et espace de formation ne s’établissent-elles pas plutôt au niveau des logiciels ?

–        Sur la pertinence de séparer les littératies en fonction des contextes pour penser les relations entre sphères domestiques et formation professionnelle et sur la possibilité de penser plus largement les dimensions anthropologiques (et notamment le rapport au corps) des pratiques numériques.

–        Sur la pertinence des outils « embarqués » de collecte des données sur les supports numériques pour l’analyse des traces.

–        Sur la relation entre littératie et culture numérique.

Auteur/Autrice

Laisser un commentaire